Formation par alternance et délocalisation
Apprendre un métier en se faisant payer un salaire, les charges sociales et la cotisation retraite par son employeur. Quoi de plus attractif ! La formation par alternance précède de loin l’ère de l’industrialisation car ce sont les artisans qui formaient leurs apprentis. Mais c’est seulement en 1953 que la Chambre des métiers adopta en Allemagne un Code de l’artisanat pour ses membres. Le gouvernement lui emboita le pas en 1969 en promulguant la loi sur la formation professionnelle. La formation par alternance fut officialisée et généralisée sur tout le territoire allemand, ensuite chez ses voisins germanophones : la Suisse, l’Autriche puis le Danemark dans une moindre mesure et après dans presque toute l’Europe. Son succès prouve que la formation par alternance a encore de beaux jours devant elle car elle a été rattrapée au début des années 1970 par les universités qui ont introduit les études en alternance qui offrent aux étudiants un accès direct sur le marché du travail sans avoir besoin de faire des stages en entreprise.
Si le gouvernement sénégalais veut booster son industrie, exporter des produits de qualité, réduire le déficit de sa balance commerciale et endiguer l’émigration clandestine, rien de telle que la formation par alternance. Et pour preuve, les pays asiatiques qui l’on adoptée il y a seulement une vingtaine d’années ont rattrapé l’Europe et l’ont même dépassée. L’alerte a été sonnée pendant la 47ème compétition mondiale des métiers « WorldSkills 2024 » qui s’est déroulée du 10 au 15 septembre 2024 à Lyon à l’occasion de laquelle la Chine et la Corée du Sud ont occupé les deux premières places de la compétition sur les 60 métiers proposés que se disputaient 1400 jeunes de moins de 23 ans.
Créer un écosystème avant tout
Il y a une grande différence entre la formation professionnelle et la formation par alternance. La formation professionnelle peut se concevoir en vase clos dans un établissement qui dispose d’ateliers pour les cours pratiques. En revanche, la formation professionnelle requiert un écosystème composé d’établissements scolaires pour la théorie, de PME qui ont pignon sur rue, qui produisent des biens et services et qui seront chargées de la formation pratique, d’institutions telles que les Chambres des métiers chargées des curricula et des examens. Il faut aussi des entreprises chargées de la réparation, de l’entreposage et de l’entretien des machines, des transporteurs chargés de la logistique et des traiteurs responsables des cantines mais qui forment aussi les élèves dans la restauration, la boulangerie et la pâtisserie. Cet écosystème est un préalable pour réussir une formation par alternance et former les jeunes dans les meilleures conditions car le but du Sénégal ne devrait pas seulement être de former des jeunes pour le marché intérieur mais plutôt de former les meilleurs ouvriers spécialisés et artisans pour accéder au peloton de tête des meilleures nations du monde. Si nous prenons l’exemple des bijoutiers sénégalais qui apprennent leur métier dès un très jeune âge auprès de leurs parents, il est inconcevable qu’ils ne participent pas au WorldSkills (compétition mondiale des métiers) car ils sont pétris de talents. Notons que cette compétition a été créée en 1947 en Espagne et regroupe actuellement 85 pays et régions sur tous les continents.
Proposition pour le Sénégal
Le Sénégal devrait dès à présent prendre contact avec la direction du WorldSkills, participer comme observateur à la compétition de 2025, profiter des jeux olympiques de la jeunesse qui se dérouleront au Sénégal en 2026, leur proposer d’y faire participer quels jeunes des pays partenaires qui ont des bureaux de liaisons au Sénégal : AFD (France), GIZ (Allemagne), Enabel (Belgique) et Koica (Corée du Sud) pour ne citer que ceux-ci. Ces jeux olympiques pourraient servir d’incubateur pour booster l’artisanat sénégalais. Rappelons que pendant les Jeux Olympiques qui se sont déroulés à Paris pendant l’été 2024, même l’église catholique de France en a profité pour organiser les « Holy Games » (les jeux saints) pour les athlètes croyants en leur proposant des messes et des concerts.
Programme des compétitions WorldSkills jusqu’en 2027
EuroSkills à Herning au Danemark, 9 au 13 septembre 2025
WorldSkills à Shanghai en Chine, 22 au 26 septembre 2026
EuroSkills 2027 à Düsseldorf en Allemagne, 22 au 26 septembre 2027
Le Sénégal pourrait participer en tant qu’observateur en 2025 au Danemark, profiter des nouveaux contacts établis avec la Chine lors de la première visite d’Etat du président de la République dans le but de participer à la compétition de Shanghai en septembre 2026 et les inviter à exposer aux Jeux Olympiques de la jeunesse qui se dérouleront du 31 octobre au 13 novembre 2026 au Sénégal. Après cette période de préparation pendant laquelle le Sénégal va acquérir de solides connaissances, on pourra participer en tant qu’observateur aux EuroSkills 2027 en Allemagne avec l’aide de la GIZ et participer aux WorldSkills en septembre 2028 qui se dérouleront à Aichi au Japon. Ce pays se prépare déjà à accueillir 300 000 visiteurs.
Worldskills 2024 – Tableau des médailles
Délocaliser au Sénégal
Après avoir atteint les objectifs de la formation par alternance, le Sénégal devrait être prêt pour une délocalisation d’entreprises des pays du européens, d’Amérique du Nord et d’Asie. Notre pays pourra faire valoir ses avantages comparatifs mais qu’on se le dise, la démocratie et la stabilité politique ne suffiront pas pour attirer les entreprises étrangères. Il faut des ressources humaines qualifiées, des infrastructures industrielles et des moyens de transports modernes.
Le gouvernement actuel a annoncé huit pôles industriels qui devront voir le jour dans les prochaines années. Cet article pourra sans doute servir de contribution dans ce projet.
Les cartes ci-dessous pourront servir d’argument politique mais la carte précédente sera absolument nécessaire.